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Mukashi Mukashi : les contes japonais pour enfants par Issekinicho

Aujourd’hui c’est aux enfants et aux grands enfants que je m’adresse. Si vous adorez les contes (j’étais une grande lectrice de contes quand j’étais petite) et le Japon, les quatre volumes des contes Mukashi Mukashi (Il était une fois) des éditions Issekinicho vous plairont à coup sûr. Ils sont colorés, variés (trois contes par volume avec à chaque fois un grand classique, un conte animalier et un conte humoristique). De quoi passer de bonnes heures de lecture et s’émerveiller devant les fabuleux décors, avoir peur, mais juste un petit en découvrant les onis (monstres colorés), et rire parce que ça fait du bien et qu’on en a besoin en ce moment !

Ces recueils sont d’une très grande qualité : couverture rigide, grand format, couleurs très très belles, et même « du brillant » sur les couvertures (doré pour le recueil 3 et bleu métallisé pour le recueil 4).

J’ai déjà écrit sur les deux premiers volumes dans Journal du Japon. Je vous présenterai donc cette fois les deux suivants.

Le recueil 3 est écrit et illustré par Alexandre Bonnefoy et présente dans un premier temps le grand classique Momotarô. Un vieux couple de paysans trouve une énorme pêche dans la rivière (elle a l’air bien justeuse sur le dessin !) et, alors qu’ils la découpent pour la manger, ils y trouvent un adorable bébé. Ils le nomment Momotarô et l’élèvent chez eux. Mais il est paresseux et ne fait pas grand chose de ses journées en grandissant. Cependant, lorsqu’il apprend que des ogres viennent d’une île maléfique pour piller et brûler les villages de la région, il décide d’aller les battres. Ses parents lui donnent des kibidangos (galettes de millet) pour le voyage. Sur son chemin, il croise un chien (trop mignon ce petit chien tout rond !), un singe et un faisan. Ceux-ci l’accompagnent en échange d’une galette. Grâce à eux, Momotarô réussira à battre les onis (ces grands ogres un peu rondouillets, effrayants, mais pas trop, bleu, rouge et vert, sur une île grise avec des flammes qui surgissent de partout … de quoi se faire un peu peur !). Et tout est bien qui finit bien : les onis promettent de ne plus semer la terreur et rendent les trésors au petit garçon qui rentre glorieux au village et qui est depuis beaucoup plus gentil et serviable.

Le deuxième conte présente Kuma et Kitsuné, donc un ours et un renard en japonais. Tous deux sont obligés de cultiver un champ faute de nourriture disponible. Le rusé Kitsuné dit à Kuma qu’il a le droit de manger la partie de la plante qui sortira de terre, et que lui mangera les racines … évidemment, il a semé des graines de radis (de gros daikon), et l’ours se retrouve à manger des feuilles peu nourrissantes tandis que le renard se régale de gros radis juteux. L’année suivante, Kuma veut inverser, Kitsuné est d’accord … car il a planté des fraisiers ! Le pauvre Kuma s’est encore fait avoir. Et cela continue lorsque le renard lui demande de décrocher une ruche, lui disant qu eles abeilles sont parties … mais elles sont bien là et attaquent l’ours tandis que son compère se régale du miel. Il faut donner une bonne leçon à ce renard. Kuma lui dit qu’il y a des chevaux sauvages et qu’il pourra en capturer un s’il accroche sa queue à celle du cheval. Kitsuné suit son conseil et se retrouve très vite traîné par le cheval. Il atterrit finalement dans une flaque de boue ! Comprenant que chacun ne s’est pas comporté correctement envers l’autre, les excuses sont faites et ils cultivent ensemble le potager dont ils partagent les ressources équitablement.

Dans Le démon et la jeune fille, on retrouve le thème du Vaillant petit tailleur : une petite fille réussit à tuer cinq moustiques d’un coup, « cinq bêtes sanguinaires ». Des soldats, qui passent par là et cherchent, sur ordre du roi, quelqu’un capable de tuer l’oni qui terrorise le village d’une province voisine, l’entendent et lui disent de venir tuer une autre créature sanguinaire. Lorsqu’elle découvre que c’est un oni qu’elle doit tuer, elle fait moins la fière. Mais ingénieuse, elle trouvera un moyen de capturer l’oni (je vous laisse la surprise) et de lui faire promettre de ne plus embêter les habitants. Pour toute récompense, elle voudra juste des moustiquaires à ses fenêtres !

Le lecteur appréciera l’explosion de couleurs, la rondeur des personnages, les paysages rocheux, montagneux, les forêts de bambous, les torii, lanternes, châteaux, tatami et jizo pour un décor japonais qui émerveillera les enfants.

Dans le recueil 4, c’est Delphine Vaufrey qui tient la plume et le crayon. Les traits sont plus fins, plus aériens, mais l’ambiance est tout aussi magique et colorée.

Le recueil s’ouvre sur le grand classique Urashima Tarô. Dans un village de pêcheur, le jeune Urashima sauve une tortue qui était maltraitée par les enfants. Le lendemain, il est remercié par la mère de la tortue et emmené par elle voir la princesse des océans. Dans un palais merveilleux, il mange un délicieux repas et découvre des paysages fabuleux au fil des saisons. Il perd la notion du temps auprès de la princesse. Et lorsqu’il se décide à retourner dans son village, elle lui offre une boîte qu’il ne doit pas ouvrir, elle contient tous ses souvenirs. Mais le village a chancé, Ulrashima se rend compte qu’il est parti il y a plus de cent ans. Lorsqu’il ouvre la boîte, ses souvenirs s’échappent et il devient un vieillard. Le lecteur sera ébloui, comme le héros, par la beauté des paysages sur la grande double page qui leur est consacrée : arbres enneigés, coraux, cerisiers en fleurs, ginkgo de l’automne, poissons mêlés … Une splendeur !

J’ai beaucoup aimé Le royaume des souris. Un vieil homme part au travail dans la forêt, sa femme lui a préparé des onigiri (boulettes de riz entourés d’une feuille d’algue). Lorsqu’il fait tombé un onigiri dans un trou, une voix lui en demande un deuxième, le vieillard s’exécute. Puis il va dans le trou et donne son troisième onigiri à une souris qui l’emmène alors dans son royaume. Il y mange, s’amuse, danse. La seule chose à ne pas faire est d’imiter un chat, ce qui effraierait toutes les souris. Le Roi souris lui propose ensuite d’emporter le trésor de son choix. Le vieil homme se contente d’une petite bourse de pièces d’or. Lorsqu’il raconte ses aventures à sa femme, un voisin malveillant écoute et va balancer des onigiri dans le trou. Impatient, il imite un chat, l’or disparaît et le méchant homme est obligé de ramper dans le noir pour s’échapper. Le trou sera ensuite feré à jamais. Et le lecteur se sera beaucoup amusé à voir toutes les adorables souris faire la fête !

La dernière histoire, Le tengu invisible, met une fois de plus en scène un petit garçon. Celui-ci est un chenapan paresseux et farceur. Et lorsqu’il voit dans la forêt un Tengu (démon rouge au long nez, qui n’a pas l’air très méchant), qui possède une cape d’invisibilité, il n’a qu’une idée en tête : la lui voler. Il réussira à l’embobiner avec une fausse longue-vue en bambou (qui permet paraît-il de voir Osaka, le Mont Fuji et même la princesse dans les jardins du palais impérial de Kyoto !). Le tengu prendra la longue-vue pour regarder, pendant que le garçon lui volera sa cape. Malheureusement, sa mère voyant une cape toute crasseuse la brûlera. Mais le garçonnet réussira à se rendre invisible en se recouvrant le corps de cendre. Il jouera des tours aux habitants du village … jusqu’à ce que la pluie tombe … Vous imaginez la suite !

N’hésitez pas, précipitez-vous en librairie ou sur le site des éditions Issekinicho pour acheter ces superbes recueils de contes à partager en famille pour rire, se faire peur et surtout en prendre plein les yeux !

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Ces habitudes qui font grandir votre talent de Fumio Sasaki : instructif et motivant

Les livres de développement personnel se multiplient depuis quelques années dans les rayons des librairies. Leur qualité est plus ou moins bonne, et on peut parfois avoir l’impression de lire des injonctions à être heureux, à faire tel ou tel sport, médiation, régime, et autres activités plus ou moins farfelues pour « réussir sa vie » ou « être heureux ». Et je vous avoue que ces livres magiques ne sont pas pour moi. Je n’aime pas les personnes condescendantes ou culpabilisantes. Mais je trouve souvent des choses à prendre dans les livres écrits par des Japonais ou des personnes ayant vécu de nombreuses années au Japon … Peut-être par compatibilité d’esprit, de mentalité ? Toujours est-il que j’ai lu avec intérêt le livre de Fumio Sasaki. Je suis très sensible aux habitudes, j’ai un esprit plutôt scientifique et carré, et ce livre m’a apporté de nombreux éléments intéressants.

Vous connaissez peut-être cet auteur car il a écrit un best-seller sur le minimalisme L’essentiel et rien d’autre. Je ne l’ai pas lu, mais après avoi lu celui-ci, je vous avoue que lire comment il est arrivé au minimalisme et l’a géré m’intéresse.

Bref, le livre sur les habitudes est bien construit, illustré d’exemples de personnalités, d’études scientifiques et de la propre expérience de l’auteur. En ce qui le concerne, les habitudes qu’il a prises sont : se lever tôt (5h du matin, ouille !), faire du sport tous les jours et arrêter l’alcool. Sans aller jusqu’à faire tout cela, on a tous des habitudes que l’on aimerait perdre, et d’autres qu’on aimerait prendre. Je pense que ce livre peut aider pour cela.

Ce livre est donc dédié à toutes celles et ceux qui pensent ne pas avoir de volonté. Il explique que le talent se fabrique avec des efforts continus et grâce aux habitudes, que les efforts pourront être maintenus si on en fait des habitudes, et qu’il existe des éléments simples pour apprendre à avoir des habitudes (il parle de méthode, mais ce sont des éléments pratiques et logiques, pas un truc clé en main compliqué ou pénible, je vous rassure).

Mais avant de lister 50 étapes pour se créer de bonnes habitudes, l’auteur nous explique d’abord comment marche la volonté et comment fonctionne une habitude.

Dans la partie sur la volonté, il évoque des expériences qui ont été menées sur des enfants et des marshmallows par exemple (savoir résister à la tentation de manger tout de suite un marshmallox et en avoir un deuxième en récompense un peu plus tard), et d’autres éléments scientifiques sur le sujet de la volonté et de la récompense (immédiate et différée). Il évoque aussi régulièrement son propre parcours, les moments de faiblesse, de doute, le cheminement qu’il a effectué. La volonté ne diminue pas simplement parce qu’on l’utilise, elle est influencée par nos émotions, elle peut se perdre lorsqu’on est anxieux ou qu’on se déprécie. Notre cerveau a en effet un système froid, rationnel, et un système chaud, lié aux émotions, et ces deux systèmes se complètent et interagissent en permanence. Avoir de la volonté est plus simplement ne pas avoir conscience d’être tenté. Et une habitude est finalement une action que l’on accomplit sans presque y penser. Pour prendre cette habitude, il faut donc réduire le nombre d’entrées en scène de la conscience. Voir comment tout cela fonctionne est passionnant et aide à comprendre pourquoi on se jette parfois sur une tablette de chocolat ou pourquoi les bonnes résolutions du nouvel an ne marchent pas !

La partie suivante est consacrée aux habitudes. Elles représentent environ 45% de nos actions quotidiennes. Une habitude est un comportement de routine déclenché par un signal, que l’on effectue en vue d’une récompense. Une habitude nécessite de la volonté dans un premier temps, et l’effort à fournir est important. « Mais une fois l’habitude prise, la récompense plus importante que l’on obtient nous pousse à continuer. » Un cercle vertueux se met alors en place.

La troisième partie entre vraiment dans le concret (mais comprendre les mécanismes était important pour pouvoir agir en connaissant le fonctionnement de notre cerveau, des mécanismes de la volonté, de l’habitude, des émotions et des obstacles qui pourraient survenir). Cette partie présente 50 étapes pour se créer de bonnes habitudes. L’auteur explique souvent les étapes par sa propre expérience ou celle de personnalités (joueur de baseball, athlète, et même l’écrivain Haruki Murakami). Il nous accompagne et explique comme il le ferait à un ami qu’il vouderait aider concrètement mais en douceur.

Les étapes sont très concrètes. J’en liste quelques unes pour que vous puissiez vous faire une idée : Sortir du cercle vicieux, Décider d’arrêter, Savoir saisir l’occasion, Arrêter totalement (pour les premières étapes), puis d’autres qui vous parleront probablement : Je commence aujourd’hui, Le faire au quotidien, Ne pas improviser une exception (mais il est possible d’en planifier si besoin), Se créer un emploi du temps ou encore S’arrêter en chemin, mais suivi par Ne jamais s’arrêter complètement, Enregistrer ses habitudes (lister les petites choses accomplies plutôt que regarder tout le chemin qui reste à parcourir), et même La nécessité des échecs ! C’est une liste à la fois motivante et déculpabilisante, qui donne des outils car on sait souvent pourquoi on a échoué à prendre une habitude : arrêt en cours de route, objectifs trop ambitieux, lassitude. Tout cela est abordé dans les 50 points évoqués, c’est donc un accompagnement précieux quand on se lance et à chaque difficulté rencontrée.

La dernière partie explique qu’il n’existe pas à proprement parler de « talent », mais une certaine sensibilité à tel art, telle science, accompagnée d’une passion inépuisable, et surtout d’un sens de l’effort (il illustre son propos avec les portraits de nombreux artistes, scientifiques, créateurs et leurs « habitudes »).

Travailler au quotidien pour progresser donne un fort sentiment de satisfaction. Et il est ensuite plus facile d’être capable de s’aimer, la plus grande des récompense !

Un livre qui se lit bien, dans lequel on peut piocher de nombreuses idées pour progresser et réussir à se créer de nouvelles habitudes. Et vous, quelles habitudes voulez-vous vous créer ?

Kiki la petite sorcière : le roman du film, dépaysement, magie, poésie !

En ces temps de confinement et parfois de stress, d’angoisse, je vous invite à découvrir les deux volumes des histoires de Kiki la petite sorcière. Si vous avez aimé le film de Miyazaki, vous adorerez le roman d’Eiko Kadono qui l’a inspiré. Les éditions Ynnis publient ses aventures en deux volumes. J’avais écrit sur le premier tome dans Journal du Japon, et je vous donne donc ici mes impressions sur le deuxième.

C’est un bonheur renouvelé de suivre les aventures de la petite sorcière qui, dans ce deuxième volume, revient dans sa ville adorée après un séjour chez ses parents. Elle se rend compte qu’elle aime profondément cette ville, et avec son chat Jiji, elle continue ses services de livraison.

Des aventures toutes plus magiques les unes que les autres se succèdent. Voyez plutôt : transporter un hippopotame malade chez le vétérinaire (par les airs !) car un lion a mangé sa queue, apporter un sac de magicien au théâtre et voir des animaux en sortir, découvrir les chants d’arbres dans la montagne, livrer une pomme à la soeur de l’horloger de la ville, ou une enveloppe noire à deux demoiselles.

Chaque chapitre emmène le lecteur dans un coin de la ville ou beaucoup plus loin, dans la forêt, la montagne, et même sur une île d’un superbe archipel où un « découvreur » est parti étudier les chantereux, des cousins du paresseux qui chantent en groupe !

Kiki est toujours serviable et de bonne humeur, même si parfois les clients sont désagréables, autoritaires ou grognons … Ils ont souvent des problèmes que la sorcière finit par comprendre et même résoudre. Ce sont des humains avec leurs soucis, leurs humeurs, leurs faiblesses et leurs incompréhensions. Avec son regard et son coeur de jeune fille qui devient adulte, malgré la fatigue, les interrogations, les doutes, elle rend heureux ceux qui la côtoient.

Et c’est bien ce qui caractérise ce deuxième volume : une petite sorcière qui grandit, réfléchit à ce qu’elle veut faire de sa vie, se demande si ses livraisons sont bienveillantes ou si parfois elle ne transporte pas de mauvaises choses. Elle commmence également à ressentir des choses étranges au fond de son coeur quand Tombo lui parle, lui écrit, ou partage de bons moments avec une autre jeune fille.

Elle repense parfois à son enfance et c’est un bonheur de s’y plonger avec elle : « Je rentraits à quatre pattes dans les herbes hautes. J’avais l’impression de me glisser sous une couverture qui sentait bon. Je m’allongeais sur le dos et je fermais les yeux très fort. Des pois aux couleurs de l’arc-en-ciel brillaient et bougeaient sous mes paupières, c’était rigolo. C’étais comme si j’avais le ciel dans mes yeux. Un jour, j’ai entendu des éternuements, loin sous la terre. Ça ne s’arrêtait plus ! Ma mère est réputée pour ses remèdes contre les éternuements, alors j’en ai pris un et je l’ai posé à l’endroit où je les avais entendus. Quand j’y suis retournée un peu plus tard, le médicament avait disparu et cette fois, j’ai entedu un petit bruit, comme un tapotement. « Toc toc ! ». J’ai pensé que c’était une taupe. Et par la suite, j’ai pris l’habitude de discuter avec elle. »

Un petit grain de magie que le lecteur retrouve avec bonheur tout au long de la lecture !

Kiki devient donc plus mature au fil des expériences, des échanges, que ce soit avec un vieux monsieur qui lui demande de se promener avec sa canne alors qu’il est mourant à l’hôpital, ou avec une jeune fille qui vit dans la forêt et fait des merveilles de coutures et de broderies avec ses mains.

« Une fois entrée, Kiki poussa un cri d’admiration. L’intérieur de la maison était complètement différent du paysage extérieur couleur feuille morte. On se serait cru dans un champ au printemps. Des papillons et des coccinelles en tissu étaient accrochés aux rideaux bleu ciel. Des coussins vert trèfle étaient disposés sur le tapis vert clair. La table basse était blanche, comme un nuage tombé du ciel. Des broderies de fleurs multicolores ornaient la nappe et les serviettes. Dans un panier posé sur la table reposaient des petits pains encore fumants. »

Une description féérique !

Et elle, que veut-elle fabriquer, créer ? Elle avancera au fil des pages vers sa véritable vocation, accompagnée par l’adorable boulangère Osono et par sa mère (par lettre ou en allant la voir).

Les textes sont toujours très poétiques, les images qui défilent sont éblouissantes et le lecteur peut vraiment s’évader d’un quotidien parfois morose pour vivre des aventures magiques. Et à tout âge on se réjouit d’accompagner Kiki sur son balai ou à pied dans les ruelles … et de voir le chat Jiji grandir lui aussi, et s’intéresser à la belle chatte Bechi !

Un univers tendre, doux, dans la belle lumière du soleil qui inonde la ville, entre la mer étincelante et la montagne verdoyante.

Un livre qui fait vraiment du bien à tout âge !

L’art de mettre les choses à leur place (une vie meilleure dans un espace ordonné) de Dominique Loreau : clair et efficace

Je poursuis ma lecture des livres de Dominique Loreau avec celui-ci, qui pourrait s’apparenter à celui de Marie Kondo. Il y a beaucoup de points communs, mais peut-être que celui de Dominique est plus adapté à la pensée occidentale, moins rigide, avec des astuces qui nous parlent davantage.

D’abord une partie théorique pour comprendre pourquoi ranger ? « Le but premier du rangement est de replacer les choses de façon à pouvoir, à l’utilisation suivante, trouver immédiatement, même les yeux fermés, n’importe quoi. Lorsque l’on place toujours ses clés au même endroit, on est sûr, le lendemain, de les retrouver. Ranger, c’est donc s’éviter de toujours avoir à chercher, de perdre les choses ou de ne pas les trouver là où on pensait les avoir mises. Pour s’éviter mille petites causes de stress de chaque minute … pendant toute une vie. Ranger, c’est gagner du temps, pour soi et pour les autres ». C’est économiser de l’énergie, se sentir bien. Posséder peu de choses bien rangées, c’est très utile en cas de problème, de catastrophe. C’est respecter les autres et soi-même. C’est avoir un havre de paix face au désordre du monde. C’est très utile contre la démence sénile. Et cela permet d’apprendre à se connaître, à découvrir ses passions … et d’utiliser chaque objet avec contentement, plaisir.

Mais comment classer ? Avec les facteurs suivants :
– la fréquence ou la rareté d’utilisation (rôle du temps)
– la netteté de la vision (rôle de l’oeil)
– la facilité de préhension (rôle de la main)
– l’endroit le plus proche de là où l’objet va être utilisé (loi de « proximité »)
– le choix de l’espace choisi pour le ranger (juste rapport entre la taille d’un objet et celle de son contenant)

Pour le tri, on retrouve les éléments expliqués par Marie Kondo : désencombrer (moins on possède et mieux on peut ranger), visualiser son intérieur rêvé, prendre le temps et ranger seul, jeter (si on hésite, c’est que ce n’est pas utile), ranger par catégorie (vêtements/tissus, livres et documents, vaisselle/ustensiles/nourriture, petites choses comme papeterie, DVD, bricolage, médicaments, bijoux, sacs, chaussures, et enfin souvenirs et objets sentimentaux) et non par pièce (mettre tous les objets d’une catégorie sur un grand tapis).

Le livre détaille ensuite par catégorie comment procéder.

Pour les vêtements, on les classe par catégorie et ne garde que ceux qu’on aime (et on remercie puis donne ou jette les autres), pour le linge de maison, deux parures par personne de la maison et pour les couchages invités.

Pour les livres et documents, on met tout à terre et on examine un par un les objets à ranger ensuite par catégorie. On prend des cartons à dessin pour les gros documents (type radio et autres documents grand format), et un classeur robuste pour les factures en cours et les adresses à avoir sous la main.

En cuisine, on limite le nombre d’ustensiles, on les met dans des casiers adaptés. Les choses les moins utiles sont placées en hauteur.

Pour les autres objets, une boîte par fonction ou loisir créatif.

Une partie intéressante est consacrée aux éléments de rangement : quand et comment utiliser les casiers, les boîtes, bocaux, bouteilles, tiroirs compartimentés, crochets, patères, tringles, étagères et placards. Concret et utile !

Une grande partie explique la loi des mouvements et la loi de la proximité. Optimiser le rapport geste/objet (ergonomie) est possible en adaptant le rangement aux hauteurs, profondeurs, fréquences d’utilisation, tailles et volumes des objets. Un truc évident est de ranger les objets au plus près de leur lieu d’utilisation ! Des astuces sont données pour chaque pièce de la maison, et parfois on se dit « mais bien sûr ! ».

Ce livre est très agréable à lire, avec de nombreux conseils précieux et très concrets. Il regorge aussi de références au Japon, à la façon de penser et de ranger des Japonais, de mots japonais qui arrivent à concentrer tout un concept ! Plaisir et utilité combinés : le livre idéal pour le confinement !

Kyoto Song de Colette Fellous : impressions de Kyoto

J’ai longuement hésité à écrire sur ce livre car il m’a laissé une impression étrange. J’étais à la fois enchantée, émerveillée par la plume de l’auteure, mais également perdue, agacée, lassée par des passages trop confus, n’ayant ni queue ni tête, des chapitres avec une sensation d’inachevé. Difficile de décrire ce mélange qui a rendu la lecture parfois passionnante, parfois ennuyeuse. Mais je préfère écrire quelques mots afin que vous sachiez si l’expérience vous tente ou non. Peut-être qu’en ayant lu avant d’autres romans de Colette Fellous, j’aurais eu quelques clés pour mieux comprendre, mieux apprécier certains passages …

La narratrice ressent en début de livre le besoin de partir, une « ombre » étant arrivée sur sa vie : « Elle avait modifié mon regard, je le sentais, il fallait que je parte, mais vers où me diriger impossible de le dire encore, je voulais de la lumière, ou plutôt une nouvelle manière d’éclairer ensemble ma vie d’aujourd’hui et ma vie passée, de fortifier ma mémoire, de la convoquer et de la déplier au présent absolu. Alors, un après-midi de septembre, avec Lisa, dans un café du boulevard Voltaire, nous avons trouvé presque par hasard la musique de Kyoto song et la joie est réapparue. Une musique que j’imaginais déjà se déployer depuis ma chambre jusqu’au Japon. Je me souviens exactement de cet instant, il devait être dans les quatre heures. »

Elle part donc pour Kyoto avec Elyssa, qu’elle appelle Lisa, petite fille de dix ans qui « veut être encore une enfant pour voir le Japon ». Elles logent près du Pavillon d’Argent dont elles aiment aller admirer les jardins, près de la montagne de l’Est. Elles se promènent dans les rues, le long du Canal du lac Biwa, sous les cerisiers fleuris où un couple se fait photographier. Elles visitent temples et jardins, discutent dans des cafés, font des rencontres, vont au théâtre.

Ce voyage est l’occasion d’un retour sur soi, en soi, dans un passé parfois douloureux, parfois lumineux, parsemé de départs, de séparations, de deuils, mais aussi de naissances et de renaissances.

Il est aussi un lieu de partage, d’échange, de jeu avec les mots, avec les images. Narratrice et petite fille sont complices dans l’émerveillement, la douceur des moments suspendus, des instants saisis comme dans des haïkus. D’ailleurs chaque chapitre est contenu dans un mot : Bashô, le jardin, le vent, la chanson, la danse ou la mélancolie, le fantôme, l’estampe, le tremblement de terre … Avec à l’intérieur, un être absent, un souvenir douloureux, un objet marquant, un cinéaste japonais (les pages sur Ozu sont de toute beauté !).

L’auteure nous emmène en voyage à Kyoto avec des pages superbes sur tout ce qu’elle voit et ressent d’autant mieux qu’elle ne comprend pas les mots. Ainsi, lorsqu’elles vont au théâtre :

« Avec Lisa, on a dégusté nos nouilles soba, c’était brûlant et rassurant, le thé était servi dans une jolie théière, tout nous plaisait dans cette ambiance surannée, tout était propre mais une poussière invisible imprégnait le théâtre tout entier. Le garçon avait l’air ravi d’avoir servi ici toute sa vie, il reconnaissait la plupart des clients, bavardait avec eux, les écoutait et hochait la tête d’un air entendu. Lisa ne ratait aucun de ses gestes, elle le voyait réchauffer les plats, préparer les toasts, elle disait qu’elle aimait être dans un monde dont elle ne comprenait pas les mots, c’est ça qui est chouette, on observe beaucou mieux du coup et on comprend d’autres choses, c’est pour ça que je voulais venir ici, vite, dépêche-toi, ça sonne, il faut retrouver nos places. »

Guidées par le vent :

« J’invente que ce vent m’est apparu pour nous indiquer la direction et nous guider, Lisa et moi, nous introduire partout, dans toutes les saisons à la fois, dans les temples, les pavillons de thé, les parcs, les échoppes de Gion, les cafés d’Arashiyama, les sanctuaires, les sources chaudes de Kurama, les jardins du Honen-in avec la tombe de Tanizaki, et tous les autres jardins et temples qui peuplent l’enceinte du Daizen-ji, ce vent saura nous accompagner bien au-delà du Japon, dans nos vies d’antan et dans celles de demain. Entrer dans les yeux, les gestes et les voix des passants, nous arrêter sur les reflets des grands érables dans l’étang des jardins humides et sur l’élégance des jardins secs : des rochers pour faire les montagnes, un pin sur le côté, une tortue de mer stylisée, un monstre marin, du gravier pour dire la mer, et la trace régulière du râteau, inlassable ondulation, pour faire des vagues. »

On accompagne ces deux personnes, on se demande parfois si Lisa est réelle, si elle n’est pas le fruit de l’imagination de la narratrice, son double, son esprit fantasque, son guide malicieux … Et on s’attache à ce duo au côté duquel on chemine.

Quant à la construction du roman, si elle nous perturbe, c’est probablement pour mieux nous emmener dans un dédale où les temps et les lieux se croisent et se mêlent, se vivent et se revivient. C’est peut-être l’auteure qui en parle le mieux :

« Ce que je n’ai pas dit à Lisa, c’est que moi aussi j’avais envie de cacher dans un roman tout ce que j’aimais, même les scènes les plus fugitives, même celles qui n’avaient aucun lien entre elles, je disais que si elles m’étaient apparues c’est qu’elles devaient avoir leur vérité, leur logique et leur géométrie secrète, il devait d’ailleurs y avoir partout des symétries cachées, elles n’étaient pas venues vers moi par hasard, je devais les écouter comme je devais écouter les plus menus détails que nous découvrions dans ce voyage, Lisa et moi. »

Aimer la pluie, aimer la vie de Dominique Loreau : lecture idéale par temps de confinement !

Après une absence un peu longue sur le blog (mais j’étais plus active sur Journal du Japon, n’hésitez pas à aller jeter un oeil pour lire mes derniers articles), me revoilà avec un article de circonstance : apprendre à aimer la pluie, à rester de longues heures à la contempler, à la sentir, à la respirer … Une lecture idéale en ces temps de confinement !

Pourquoi Dominique Loreau dans un blog sur le Japon et sa littérature ? Parce qu’elle est profondément japonaise : elle vit dans ce pays depuis une quarantaine d’années, elle s’est véritablement imprégnée de sa culture, de ses paysages, de ses écrivains. Sa façon de ressentir le monde et de le mettre en mots est profondément japonaise. Ses nombreux ouvrages le montre : L’art de la simplicité, L’art de la délicatesse, L’art de l’essentiel, L’art de la frugalité et de la volupté, L’infiniment peu, Vivre heureux dans un petit espace, L’héritage du temps, L’art de mettre les choses à leur place … On pourrait penser à des livres écrits par des moines bouddhistes japonais !

J’ai choisi de vous parler de celui-ci car il est très apaisant pour ceux qui sont confinés chez eux et sont en quête de belles lectures. Vous aurez de quoi picorer des citations, des haïkus, des extraits de textes qui vous raviront et vous rendront plus calme, plus contemplatif. Certains trouveront peut-être que cet ouvrage n’est qu’une succession de réflexions et de beaucoup trop de textes d’écrivains asiatiques et occidentaux. Mais c’est un mélange que je trouve harmonieux et délicat, qui fait rêver, voyager, méditer.

La pluie est d’abord abordée par les cinq sens :

  • visuellement avec les tableaux de pluie (qui redonne des couleurs aux choses, qui offre des dégradés de gris, des lavis, des brumes, des bruines ou des crachins, des nuages merveilleux, des lumières uniques, des géométries et des graphismes organiques)
  • à l’oreille, la pluie offre des mélodies célestes, des silences également, et au Japon, on la parle en onomatopées : « Quand les premières gouttes de pluie se mettent à tomber, elles murmures POTSU POTSU, PARA PARA. Puis elles enchaînent, plus pressées, sur des SAA SAA. Si la pluie se fait plus douce, elle chuinte doucement SHITO SHITO. Puis fait SHOBO SHOBO. Enfin, quand elle déverse des torrents, elle mugit ZA ZA »
  • parfums et perceptions palpables nous parle d’arômes, de pluie sur la peau …

La pluie est également messagère des émotions. Solitude, mélancolie, tendresse, mais égament joie, passion et bien d’autres ! Ainsi le mot « sabishii » en japonais signifie triste, solitaire, et son idéogramme est fait de trois gouttes d’eau sur du bois. La pluie peut également renvoyer aux notions de Mono no aware (regret mélancolique d’une chose révolue) ou au Yugen, mystère profond des choses.

La pluie au royaume du mental permet d’évoquer ces pluies qui nous transportent hors du monde, nous invitent à la méditation. Observer la vie plutôt que réagir à elle. Reposer son âme, trouver le calme. Et pourquoi pas faire la sieste ou se glisser dans un futon après le bain. Le concept de Muga prend alors tout son sens. « Muga est un concept japonais zen qui repose sur l’idée du « rien ». Muga, c’est la « concentration en un point unique » qui n’est possible que lorsque plus rien ne s’oppose entre l’homme et l’action dans laquelle il s’est engagé. Le Muga advient quand la barrière entre le « soi » et l’action est tombée. C’est l’extase de certains moments où l’on se rend compte, après coup, que l’on a agi en pleine conscience : sans penser à soi, sans effort et sans un « moi » qui observe. »

Puis le lecteur arrive à La pluie au domanie de l’esprit. Il y est question de flottement entre deux mondes, de Mujo, l’art de flotter dans le temps. Les souvenirs affluent. Il est temps de rêver. Sentir la vie, son côté sacré, mystérieux, vivre l’émerveillement … faire l’expérience du Tao.

Dans une dernière partie, peut-être la plus « concrète » pour ceux qui chercheraient un guide pour vraiment apprécier la pluie, l’auteure nous donne des idées pour profiter de la pluie : chez soi avec des repas et boissons de pluie, des décors aquatiques, des rituels (se laver les cheveux à l’eau de pluie, faire brûler de l’encens, regarder des films, écouter des musiques, lire des livres « de pluie », composer des haïkus, prendre des notes, apprendre l’aquarelle, écrire des lettres), ou à l’extérieur – que vous pourrez mettre en pratique après le confinement – (trouver un kiosque dans un parc, chercher des crapauds, passer un week-end en Angleterre ou en Irlande, marcher, prendre des photos de pluie).

Ce livre regorge de haïkus et autres textes magnifiques qui rendent la lecture délicieuse et allègent un peu le quotidien étrange de ces jours-ci.

Les 100 objets du Japon de Julien Giry et Aurélie Roperch : découvrir le Japon par ses objets traditionnels ou modernes

Après nous avoir offert un superbe voyage en cent vues à travers le Japon (Les 100 vues du Japon, autre très beau livre aux textes et photographies merveilleux), Julien et Aurélie invitent cette fois le curieux, collectionneur, voyageur ou futur voyageur à découvrir ou redécouvrir les objets japonais.

100 objets, c’est à la fois peu et beaucoup pour un pays. Cela permet de découvrir les objets traditionnels (kokeshi, masque, pierre à encre et autres objets issus du riche artisanat), mais également des choses beaucoup plus modernes (on pense naturellement aux toilettes, aux jeux vidéo, aux distributeurs de boissons – dans le top 10 pour mon fils ! -, aux cups noodles, aux poussettes à chien, et tellement d’autres choses surprenantes qui étonnent et émerveillent lors d’un premier voyage dans ce pays).

Feuilleter ce livre est un plaisir toujours renouvelé. C’est reconnaître des objets croisés en voyage et y repenser avec nostalgie, c’est noter un objet qu’on n’a pas vu et que l’on ne veut pas oublier lors du prochain voyage, c’est apprendre plein de choses sur tous ceux qui sont présentés : origine, fabrication, signification, lieu où le trouver, façon de s’en servir.

La présentation est très intéressante : le nom en japonais, une ou deux photos, le nom en français avec un court texte en rouge pour aller à l’essentiel, puis dans la deuxième moitié de la page, un texte qui retrace l’histoire de l’objet, sa présence géographique, son usage au fil du temps … des textes toujours passionnants, précis, documentés, et très bien écrits (une plume très belle que j’avais déjà beaucoup appréciée dans leur précédent livre). Et chaque fois que c’est possible, les auteurs livrent des informations plus pratiques pour pouvoir découvrir ces objets par soi-même (dans quelles villes, quartiers les trouver, avec des échelles de prix, voire des sites internet et des adresses françaises pour ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir se rendre au Japon).

Le choix des objets a été fait en collaboration avec Aya Ozu (japonaise, qui avait fait la même démarche avec 50 objets français dans son livre La Chambre de Sophie la Parisienne). Les échanges ont permis d’ajuster les choix, de les expliquer, de comprendre ce qui fascinait parfois de façon surprenante et d’arriver ainsi à une liste de 100 objets.

Le classement a été pensé pour emmener le lecteur en voyage dans le Japon du quotidien (dans la rue, dans la maison, avec un zoom dans la cuisine, autour de l’habillement, des gourmandises), des saisons, des arts et artisanats, des souvenirs de voyage. En fonction de ses centres d’intérêt, chacun peut ainsi se rendre dans l’univers qui l’attire le plus … ou se laisser entraîner au fil des pages dans la découverte d’un pays fascinant !

Un livre indispensable pour tous les curieux ! A compléter par les 100 vues du Japon pour découvrir des paysages urbains et ruraux et ainsi avoir sous les yeux les multiples facettes du pays.

Vous pouvez commander les deux livres sur leur site !

La terre est une marmite de Ryoko Sekiguchi : mets et mots pour petits gourmands

Gilberte Tsaï organise depuis plusieurs années des petites conférences destinées aux enfants de plus de dix ans. Le but est d’éclairer, d’éveiller, sur des sujets aussi divers que l’infini, la poésie, l’émotion, les arbres, les odeurs, la couleur du ciel etc. La personnalité qui intervient doit se mettre à hauteur d’enfant et expliquer simplement mais pas de façon simpliste le sujet qui la passionne.

Ryoko Sekiguchi s’est brillamment prêtée au jeu et, grâce à la publication des textes de ces conférences dans de très beaux receuils par les éditions Bayard, le lecteur jeune ou moins jeune qui n’a pas eu la chance d’y assister peut déguster les mots qu’elle a dits pour parler cuisine, goût, et bien plus encore !

Comme à son habitude, en parlant de goûts et de mets, elle abord bien d’autres sujets. Le jeune lecteur se prend vite au jeu et se pose mille questions.

Elle se présente d’abord comme un écrivain, à savoir quelqu’un qui pose des questions. Entre un grand-père éditeur et une mère qui dirige une école de cuisine, Ryoko a très vite étudié et mêlé les deux. Les plats ont des noms, les recettes de cuisine sont des textes. Jusque là tout va bien … mais comment mettre ce que l’on ressent par les cinq sens sous forme de mots ? Un goût est toujours personnel et rempli d’émotion, mais pas facile de dire quel goût a une courgette ou un gâteau au chocolat (on est vite limité pour le décrire : amer, sucré, herbeux …) ? Et que dire des plats étrangers que l’on découvre et dont la saveur ne nous rappelle rien de connu ? (J’ai fait cette étrange expérience la première fois que j’ai bu du saké : à quoi se raccrocher, aucune boisson, alcoolisée ou non, ne me venait à l’esprit pour définir, identifier, expliquer ce goût … j’étais peut-être plus à l’aise pour trouver des senteurs à ce breuvage, mais en bouche c’était juste troublant). Pour Ryoko, c’était l’huile d’olive qu’elle n’a pas aimé la première fois qu’elle l’a sentie à treize ans, « une odeur de crayon » !

Tout au long de la conférence, elle questionne les enfants, stimule leur curiosité, les invite à s’ouvrir aux cuisines comme à des langues d’autres pays. Ne pas juger avec son palais déjà formé voire formaté, mais apprendre. Créer son propre territoire du goût, se libérer de son cadre familial, sentir, toucher, croquer … Car manger c’est être en échange, avec les autres, avec son environnement. C’est découvrir en permanence. D’ailleurs quel goût aura un plat du futur que nous n’avons jamais mangé ? Peut-on manger les nuages ?

Une invitation à la découverte, à la rencontre, au partage ! Un livre à lire en famille pour échanger, discuter … et ensuite aller goûter le monde !

Princesse Mononoke : un très bel album du film chez Glénat jeunesse

Les éditions Glénat proposent toute une sélection de livres autour des films de Hayao Miyazaki : de magnifiques Art Books pour découvrir les esquisses et toutes les phases de création de chaque film, des Anime Comics, pour plonger dans les différents films façon manga, et enfin les albums des films, qui permettent aux plus jeunes de découvrir tous les paysages et les scènes du film dans un grand format très beau, comme un grand livre d’histoires.

Dans cette collection d’albums existent déjà Mon voisin Totoro et Le voyage de Chihiro. Ce troisième livre est peut-être à réserver aux enfants un peu plus grands car certains passages sont très sombres et plus violents. Mais la puissance de la nature et le combat animaux/humains sont très marquants et permettront d’engager la discussion sur l’écologie avec les enfants et adolescents.

Mais plongeons plutôt dans le livre (à la très belle couverture dure et brillante, et aux pages au papier épais et lisse qui permet un superbe rendu des images !). Les premières pages présentent tous les personnages de l’histoire, humains et animaux. Puis le lecteur pénètre dans une double page de montagnes et de forêts : « Il y a bien longtemps, tout le pays était recouvert de denses forêts où vivaient en paix, depuis la nuit des temps, des divinités ancestrales. Aux confins orientaux de ces terres se trouvait dissimulé un village. C’est là que le peuple des Emishi avait trouvé refuge après avoir été disséminé par le pouvoir impérial des Yamato, il y avait de cela cinq cents ans. Notre histoire commence dans cette petite bourgade. »

On découvre le prince héritier de ce peuple, Ashitaka, contraint de quitter son village car touché par la malédiction d’un démon. Il part à la recherche du dieu-cerf, son seul espoir de guérison. C’est au coeur d’une forêt peuplée d’étranges créatures qu’il rencontre San, une jeune fille élevée par une louve, qui voue une haine féroce aux humains qui s’en prennent à la forêt.

Entre villageois responsables de la destruction de la forêt et San qui la défend corps et âme, Ashitaka se retrouve pris au milieu d’une lutte féroce et tentera d’assurer sa survie, mais aussi celle de cette merveilleuse forêt.

Les pages se tournent à un rythme soutenu, elles donnent la part belle aux images de différents formats qui mettent en avant chaque scène importante, chaque personnage. Les textes qui les accompagnent sont très vivants (description des ambiances, des bruits, des couleurs, des sentiments), avec de nombreux dialogues.

On se plonge dans les superbes paysages forestiers, mais également dans des scènes de combat époustouflantes.

Un véritable plaisir de lecture pour petits et grands fans de Miyazaki !

Yukio Mishima et Nicolas Gaudemet : une histoire d’amour

La collection Duetto permet à des écrivains de parler de leur rencontre et de leur amour pour un autre écrivain. C’est ce que Nicolas Gaudemet a fait en quelques pages. Un art de la concision totalement maîtrisé. Avec l’impression que nous partageons avec lui un parcours, une quête. De l’adolescent en construction à l’adulte qui assume enfin qui il est.

Cela commence par la première rencontre : Confession d’un masque alors qu’il n’a que 16 ans. Un choc. « Je hais Confession d’un masque. C’est magnifiquement écrit, mais les fantasmes sanglants du narrateur me laissent blanc. Et son échec m’accable : je connais ses tentatives de tomber amoureux de Sonoko. »

Puis Nicolas monte à Paris, classes préparatoires et poursuite de ses lectures : en Math Sup, Le Pavillon d’or, La mort en été, Une soif d’amour, Après le banquet, Le marin rejeté par la mer. Des « histoires vénéneuses chantées dans une langue somptueuse ». Mais toujours il évite Les Amours interdites. Math Spé, il élargit ses lectures autour de Mishima : Kawabata, son ami avec lequel il échangea une très belle correspondance, Les mémoires d’Hadrien … Et puis un week-end, il se plonge dans le livre qu’il a toujours tenu éloigné de lui. Il en sort transi, transfiguré. Et quand on lit parfois qu’un auteur peut changer la vie de quelqu’un, on saisit ici toute la force de ces propos.

Le cheminement se poursuit, Polytechnique et toujours Mishima, puis les voyages comme officier de quart sur une frégate … et Tokyo enfin ! Un éblouissement.

Et cette envie de prendre la plume. Des poèmes, un roman … puis ce texte admirable, hommage à un auteur qui l’a imprégné de toute sa lumière.

La lecture de ce texte est un réel bonheur, on partage des souvenirs, des moments de lecture, des étapes d’une vie. Et on n’a qu’une envie, relire Mishima.

Une autre raison de se réjouir est de savoir que Nicolas s’émerveillera de nouveau à la lecture d’un autre livre de Mishima qui vient de sortir en France : Vie à vendre. En espérant pouvoir lire quelque part ses impressions de lecture !

Ce texte a résonné fortement en moi … probablement parce que je me suis reconnue dans quelques moments de vie de Nicolas. Je suis montée à Paris dans le même lycée, Math sup, Math spé, moi la petite provinciale toujours plongée dans les livres. Mishima m’a également éblouie avec Le Pavillon d’or et j’ai toujours eu l’impression d’être plongée dans la lumière en lisant ses livres. Comme si le soleil dardait ses rayons depuis les pages. Une lumière parfois trop violente, mais une beauté ensorcelante. J’ai ensuite préféré la beauté triste et la nature bucolique des écrits de Yasunari Kawabata, qui correspondaient plus à la jeune fille timide et solitaire que j’étais alors. Mais une même passion pour la lecture qui m’occupait pendant des heures (d’autres heures étant consacrées au piano et à Chopin) … alors que j’aurais dû travailler davantage mes matières scientifiques ! C’est avec une nostalgie heureuse que j’ai lu les pages de ce petit livret. Et je remercie les éditions Nouvelles lectures d’avoir publié ce précieux opus !