Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Haïkus dans le TGV

Départ pour le salon du livre
Maison endormie
Soleil fragile de la mi-mars

Dans les arbres encore nus
Les oiseaux se répondent
Une vraie mélodie qui se transmet de branche en branche

Le train est à l’heure
Pas de problème d’ouverture de porte
Arbres dénudés alignés le long du canal

La Moselle scintille sous le soleil
L’eau se ride légèrement
Même les tags sous les ponts sont beaux

Dans le TGV
Rêve de Shinkansen et de Mont Fuji
Un bento à la place de mon croissant

Tunnel de quelques secondes
Mon reflet dans la vitre
Présence de fantômes

Patchwork de verts et de marrons
Les champs s’allongent en Champagne
Je veux les montagnes du Japon !

Les tickets de métro à Paris
Ne sont plus jaunes, bleus, mais blancs
Quelle est leur couleur à Tokyo ?

Publicité

L’anniversaire de la salade de Machi TAWARA

La poésie est un art que les japonais pratiquent à la perfection depuis des siècles.
Vous connaissez probablement les haïkus, mais connaissez-vous les tankas ?
Ces poèmes sont basés sur une structure de 5-7-5-7-7 syllabes. A la différence du haïku qui est court et donc souvent un flash visuel, olfactif, émotionnel, de l’instant, le tanka « a le temps » de développer l’événement. Il possède une logique interne, une construction propre.

Machi TAWARA a écrit ce recueil de tankas sur une période de sa vie qui va de ses 20 ans à ses 24 ans. Lorsqu’il est publié en 1987, Machi est une jeune professeur de littérature au lycée de Kanagawa. Succès immédiat et gigantesque : à ce jour, « L’anniversaire de la salade » s’est vendu à plus de 8 millions d’exemplaires dans le monde !

Ce recueil se lit pour moi comme un roman, il est d’ailleurs composé de chapitres.
Chaque tanka est un micro-événement, et chaque ensemble de tankas raconte une tranche de vie : vie au lycée, attente de l’être aimé, réflexions sur le père, promenade le long des étals de légumes et de poissons, concert de jazz etc.

La traduction de ces tankas n’est pas chose aisée et la postface du traducteur est très éclairante sur ce travail ardu. La réussite est au rendez-vous : Le lecteur français percevra bien « la fraîcheur et la grâce de ses poèmes, où se révèle, comme par surprise, la beauté de chaque moment intensément vécu » (4ème de couverture).

Extraits :

– pour une explication du titre qui m’a attiré chez le libraire :

« C’est vraiment bon ! » m’as-tu-dit
Aussi le six juillet sera-t-il
l’anniversaire de la salade

– pour ma grande soeur qui enseigne au lycée …

Salle de classe où chaque heure
est remplie par quatre-vingt-douze
prunelles et moi

– pour les mamans … et les papas …

Les enfants viennent acheter pour dix yens de rêve
chez le marchand de bonbons
aux vertes limonades

et …

Les parents disent qu’ils ont élevé leurs enfants
mais c’est en toute liberté que rougissent
les tomates des champs

Un an après FUKUSHIMA …

Hier, un an après le tsunami, recueillement, manifestations, prières … Chacun à sa façon a commémoré le triste anniversaire.
A cette occasion, je vous invite à lire le dossier de Télérama N°3243 (du 10 au 16 mars) qui est consacré à Fukushima et aux écrivains qui en parlent.
De Kenzaburô Oé à Hiromi Kawakami, les impressions sont multiples, tout en émotion, en douleur, en colère voire en désespoir.
A lire absolument …
Dans ce même numéro, des livres sur le sujet : « Fukushima.Récit d’un désastre » de Michaël Ferrier (écrivain français qui résite à Tokyo), « Fukushima.Dans la zone interdite » de William T.Vollmann et « Journal des jours tremblants » de Yoko Tawada.
A noter également « Japon, un an après (huit regards sur le drame) », manga dans lequel huit dessinateurs se penchent sur la catastrophe.

MANAZURU d’Hiromi KAWAKAMI : magnifique !!!!

Vous devez le savoir : Hiromi KAWAKAMI fait partie des écrivains que j’adore. Certains la connaissent peut-être par l’adaptation dessinée des Années douces par Jiro Taniguchi.
A l’occasion de la sortie chez Picquier Poche de Manazuru, je tenais à vous faire part de ce coup de coeur pour cette oeuvre superbe.

Un foyer idéal : Kei, mariée à Rei, leur petite fille Momo.
Un jour Rei disparaît sans laisser d’explication.
Un nouveau trio vit désormais sous nos yeux : Kei, Momo devenue ado, et la mère de Kei.

Manazuru, le dernier nom écrit par Rei dans son journal, est une petite ville de bord de mer où Kei va se rendre à plusieurs reprises … pour chercher Rei ? trouver un sens à sa vie, à ce vide qui la ronge, vivre avec les fantômes qui la hantent ?

« Le train dans lequel je suis est un contenant qui relie Manazuru à Tokyo. C’est un contenant qui transporte mon corps du rêve dans le monde réel, et dans l’autre sens, du monde des vivants dans l’au-delà ».

Kei frôlera la folie, la mort lors d’un dernier voyage, puis décidera de vivre parmi les vivants, de dire adieu à Rei, de vivre sans son amant Seiji … mais de cuisiner, d’écrire, d’être pleinement avec sa famille …

« Comme un gazouillis de moineaux, les trois voix de femmes qui remplissent cette maison sans homme caressent les murs. »

Ce livre nous amène à méditer sur l’absence, le vide, la vie après une disparition brutale et inexpliquée, le comment continuer …

 » Pourtant, je songe que j’aimais Rei. Même après qu’il m’a laissée, j’ai continué à l’aimer. Je ne pouvais pas renoncer à l’aimer. Mais il est difficile d’aimer ce qui n’est pas. Aimer … L’amour se referme sur lui-même quand il est sans objet. »

Le livre se finit dans la lumière …

« La voix pleine de douceur de Momo a vibré au loin et le jardin s’est inondé de lumière. »

Comme toujours chez Hiromi Kawakami, le style est éblouissant. Tout est émotions, sensations. L’écriture est grâce, finesse et beauté.

« A travers la vitre, le ciel était pâle. Ni gris, ni bleu. Comme quand on cherche à obtenir une nuance d’aquarelle et que l’eau retient une traînée délicate de la couleur, rouge très pâle si c’est dans les tons de rouge, noir très délayé si c’est dans les tons de noir, il arrive aussi que la couleur ne se dilue pas complètement et laisse une auréole autour d’une goutte épaisse … La couleur du ciel était délavée comme l’eau d’une boîte d’aquarelle. »

Petite épopée nippone – carnet de voyage au Japon

J’adore les carnets de voyage, surtout lorsque l’auteur est un dessinateur de talent. C’est le cas ici !
Philippe Buchet y « dessine » ses trois séjours au Japon : Tokyo, Kyoto, Hiroshima, Nagasaki, Kagoshima, Amani Oshima.
Le grand Jiro Taniguchi, qui signe la préface, parle d’un « regard doux et chaleureux ». On se sent bien dans ces pages, et les petites BD sur les côtés rendent le parcours joyeux voire comique …
Certains pourront être surpris par la couleur du fond, du beige au brun, mais cela permet de faire sortir magnifiquement le noir profond et le blanc lumineux des esquisses.
Ryokans, temples, eau, végétal, mais aussi ville futuriste, l’essence du Japon est dans ces pages.
Bref, un très beau petit carnet à l’aspect artisanal très réussi qu’on ne se lasse pas de regarder encore et encore.

Au Japon ceux qui s’aiment ne disent pas je t’aime

Petit livre sympathique sur les us et coutumes comparés Japon/France.
Il se présente sous forme d’abécédaire, et il est donc conseillé d’y flâner … lire l’article « bains » quand on est dans son bain, comparer nos loisirs à ceux des japonais, apprendre à connaître la faune du Japon (chats, corbeaux, moustiques tachetés), ses couleurs …
Ce livre est frais et léger, peut-être trop léger, mais on y picore avec délectation.

Métaphysique des tubes d’Amélie NOTHOMB

« J’étais japonaise.
A deux ans et demi, dans la province du Kansai, être japonaise consistait à vivre au coeur de la beauté et de l’adoration. Etre japonaise consistait à s’empiffrer des fleurs exagérément odorantes du jardin mouillé de pluie, à s’asseoir au bord de l’étant de pierre, à regarder, au loin, les montagnes grandes comme l’intérieur de sa poitrine, à prolonger en son coeur le chant mystique du vendeur de patates douces qui traversait le quartier à la tombée du soir. »

Amélie nous raconte dans ce livre sa petite enfance au pays du Soleil levant. De son état de tube à la merveilleuse année (entre deux et trois ans) au cours de laquelle elle découvre les saisons, la végétation exubérante, l’eau (son élément naturel de prédilection), le magnifique « petit lac vert » dans lequel elle « fond » pendant des heures … et sa nounou adorée Nishio-san, l’incarnation de la douceur, tout le Japon est là : les montagnes, les fleurs … mais aussi les carpes (Jésus, Marie et Joseph !) qu’elle déteste, tout comme elle déteste les deux garçons qui habitent avec elle (carpes et garçons liés au Japon par la fête Koïno bori !).

On rit beaucoup, on pleure aussi, mais avant tout on SENT … la terre, l’eau et l’air du Japon !

PARK LIFE de Shuichi YOSHIDA

Ce court roman d’une centaine de pages est un petit bijou couronné en 2002 du prix Akutagawa, le Goncourt japonais.
Ne cherchez pas ici d’action, de suspense, de fantastique, juste le plaisir de regarder le bestiaire essentiellement humain du parc de Hibiya à Tokyo.
Scruté à travers l’oeil d’un jeune employé d’une société de gels douche, le parc est le théâtre de petites saynètes : le vieil homme qui tente de faire voler son aérostat rouge, la femme rencontrée dans le métro avec laquelle le narrateur échange des propos sur les greffes d’organes, la sociologie des Starbucks. Des petits instants photographiés par l’auteur de différents points du parc et qui font de ce livre une tablette de chocolat dont on déguste les carrés un par un, lentement.
Mention spéciale au petit singe Lagerfeld, animal de compagnie d’un couple d’amis, dont le narrateur s’occupe, ce qui donne lieu à des scènes tendres ou cocasses.
Une vraie bouffée d’air dans notre quotidien urbain.

magazine LIRE de mars 2012 : guide de la littérature japonaise

Salon du livre oblige, LIRE sort en mars un numéro spécial littérature japonaise.

Toujours de très grande qualité, ce numéro vous permet de voyager dans cette littérature en vous donnant les « bases » pour pénétrer dans ce monde :

– les classiques (Yasushi INOUE, Yasunari KAWABATA avec des extraits d’un inédit en France etc.),

– la « relève » avec cinq romanciers (l’indispensable Haruki MURAKAMI, ) et cinq romancières car la littérature féminine est très présente et je la trouve particulièrement sensible et forte (sont citées Yôko Ogawa et l’excellente Banana Yoshimoto).

Je regrette qu’Hiromi KAWAKAMI ne fasse pas partie de ces cinq romancières car Les Années Douces figure en tête du palmarès des romans qui m’ont fortement marquée. Mais elle n’est pas totalement oubliée puisqu’elle figure dans la page portrait de l’éditeur Philippe Picquier à qui je dois une grande partie de mes lectures japonaises et que je remercie pour cela (les Picquier Poche ayant en plus l’avantage d’être très abordables financièrement pour des mordus de littératures pas très fortunés).

Bref, je vous invite à aller chez votre marchand de journaux pour dévorer ce guide et y trouver de bons conseils de lecture !

Biographie de la faim … Amélie Nothomb

Ce livre écrit par la plus japonaise des belges est une véritable carte de l’enfance : toutes les émotions, les sensations d’Amélie enfant sont abordées, la faim, mais pas seulement …
Le Japon fut son pays de naissance et d’amour, on trouve donc dans ce livre de très belles phrases sur ce pays qu’elle adore, vénère même.

On continue ensuite un merveilleux voyage à ses côtés, aux côtés de son père diplomate, de sa mère trop belle et de sa soeur adorée ! On y découvre tout ce qui fait Amélie, ses failles, sa potomanie, son anorexie, son rapport au monde et aux autres.

Un vrai moment de plaisir pour tous les fans d’Amélie et un voyage dans sa géographie !

Je citerai ici deux passages que j’ai particulièrement adorés sur le Japon :

« Ma terre était celle de la nature, des fleurs et des arbres, mon Japon était un jardin de montagne … Ma terre était peuplée d’oiseaux et de singes, de poissons et d’écureuils, chacun libre dans la fluidité de son espace … Ma terre était celle de Nishio-san, ma mère nipponne, qui était tendresse, bras aimants, baisers, qui parlait le japonais des femmes et des enfants, lequel est la douceur faite parole. »

« Je vénérais l’empire du Soleil-Levant, sa sobriété, son sens de l’ombre, sa douceur, sa politesse. »