Vous devez le savoir : Hiromi KAWAKAMI fait partie des écrivains que j’adore. Certains la connaissent peut-être par l’adaptation dessinée des Années douces par Jiro Taniguchi.
A l’occasion de la sortie chez Picquier Poche de Manazuru, je tenais à vous faire part de ce coup de coeur pour cette oeuvre superbe.
Un foyer idéal : Kei, mariée à Rei, leur petite fille Momo.
Un jour Rei disparaît sans laisser d’explication.
Un nouveau trio vit désormais sous nos yeux : Kei, Momo devenue ado, et la mère de Kei.
Manazuru, le dernier nom écrit par Rei dans son journal, est une petite ville de bord de mer où Kei va se rendre à plusieurs reprises … pour chercher Rei ? trouver un sens à sa vie, à ce vide qui la ronge, vivre avec les fantômes qui la hantent ?
« Le train dans lequel je suis est un contenant qui relie Manazuru à Tokyo. C’est un contenant qui transporte mon corps du rêve dans le monde réel, et dans l’autre sens, du monde des vivants dans l’au-delà ».
Kei frôlera la folie, la mort lors d’un dernier voyage, puis décidera de vivre parmi les vivants, de dire adieu à Rei, de vivre sans son amant Seiji … mais de cuisiner, d’écrire, d’être pleinement avec sa famille …
« Comme un gazouillis de moineaux, les trois voix de femmes qui remplissent cette maison sans homme caressent les murs. »
Ce livre nous amène à méditer sur l’absence, le vide, la vie après une disparition brutale et inexpliquée, le comment continuer …
» Pourtant, je songe que j’aimais Rei. Même après qu’il m’a laissée, j’ai continué à l’aimer. Je ne pouvais pas renoncer à l’aimer. Mais il est difficile d’aimer ce qui n’est pas. Aimer … L’amour se referme sur lui-même quand il est sans objet. »
Le livre se finit dans la lumière …
« La voix pleine de douceur de Momo a vibré au loin et le jardin s’est inondé de lumière. »
Comme toujours chez Hiromi Kawakami, le style est éblouissant. Tout est émotions, sensations. L’écriture est grâce, finesse et beauté.
« A travers la vitre, le ciel était pâle. Ni gris, ni bleu. Comme quand on cherche à obtenir une nuance d’aquarelle et que l’eau retient une traînée délicate de la couleur, rouge très pâle si c’est dans les tons de rouge, noir très délayé si c’est dans les tons de noir, il arrive aussi que la couleur ne se dilue pas complètement et laisse une auréole autour d’une goutte épaisse … La couleur du ciel était délavée comme l’eau d’une boîte d’aquarelle. »