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Ma soirée du XXème siècle et autres petites incursions : conférence du Nobel de Kazuo Ishiguro

J’aime lire les discours des écrivains qui reçoivent le Prix Nobel de Littérature. Celui de Kenzaurô Ôé dont je vous ai déjà parlé présentait ce Japon ambigu entre passé militariste et Hiroshima, entre culture de Tokyo et cultures périphériques. C’était très émouvant.

Le discours de Kazuo Ishiguro retrace son parcours d’écrivain. De ce jeune homme de vingt-quatre ans, cheveux longs, moustache tombante de gangster, à l’accent du sud de l’Angleterre, parlant football ou Bob Dylan … Bien loin du Japon qu’il a quitté à l’âge de cinq ans ! Ce pays, il le connaissait surtout par les récits familiaux et les colis qui arrivaient tous les mois de ce pays. Il gardait également très vivaces les premiers souvenirs de la tendre enfance : ses grands-parents, ses jouets préférés, la maison traditionnelle qu’il peut toujours reconstituer pièce par pièce dans son esprit. Ce Japon lui a inspiré Lumière pâle sur les collines et Un artiste du monde flottant.

Il y a d’autres éléments marquants dans son parcours d’écrivain : la lecture de Proust (À la recherche du temps perdu), son rapport au temps. « Je fus fasciné par la manière dont Proust enchaînait les épisodes. L’ordre des événements et des scènes ne respectait pas les exigences habituelles de la chronologie, ni celles d’une intrigue linéaire. Au lieu de cela, les associations de pensées décousues, ou les caprices de la mémoire, semblaient entraîner le récit d’un épisode à l’autre. » Une perception différente qui lui permettra de créer son chef d’œuvre Les vestiges du jour !

En écoutant Tom Waits, il comprendra qu’il est possible d’exprimer un mélange d’émotions d’une complexité insondable.

Après avoir vu Twentieth Century d’Howard Hawks, il comprendra que les personnages seuls ne suffisent pas, qu’il faut travailler sur le rapport des personnages entre eux, sur les relations humaines.

Son discours se finit sur le constat de la dureté du monde moderne, mais avec un optimisme au regard des talents qui habitent ce monde.

« Des écrits et des lectures de qualité briseront les barrières. »

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Gôzô Yoshimasu était au Centre Pompidou Metz, et c’était impressionnant !

Je vous ai déjà parlé de ce grand poète japonais à travers deux de ses œuvres : Ex-voto, a thousand steps and more et Draps d’Ishikari. Lorsque j’ai appris qu’il faisait une performance au Centre Pompidou de Metz (qui a une spectaculaire programmation japonaise !), j’ai tout de suite voulu voir et écouter ce maître que j’admire. Une occasion unique de rencontrer un magicien habité par des esprits, hanté par leurs voix, jouant avec les sons, les rythmes comme un chaman !

Grâce à une invitation de la Maison de la culture du Japon à Paris, bravant la neige et les bouchons, j’arrivai au Centre très excitée et intimidée.

La salle s’est remplie rapidement, et plus de cent personnes étaient là pour écouter, voir, sentir, vibrer !

Je pense que chaque spectateur a vécu une expérience qui lui est propre, et c’est donc la mienne que je vais tenter de mettre ici en mots.

Gôzô est arrivé sur scène, ses accessoires ou plutôt ses objets, ses grigris, son « tokonoma vagabond » étaient en place autour d’ un long rouleau (étalé, qui n’est pas sans rappeler les rouleaux des Dits anciens) où ses textes, ses mots s’étalaient en miniature sur des colonnes étroites et bien droites, des toiles de peintres en miniature (Goya entre autres) y étaient intégrées, le tout parsemé de taches d’encre déposées là … par qui, comment ? Je le saurais bien assez vite en regardant Gôzô s’y pencher.

Après un rituel d’installation minutieux (minuscules micros installés pour sentir et transmettre le moindre petit son, papier de soie sur la bouche, fil tombant de sa bouche, avec deux éléments suspendus dont le tintement délicat envoûte et apaise), Gôzô commence sa création : un bandeau sur les yeux, il verse de l’encre noire sur le long papier évoqué plus haut, le bruit des gouttes, des flaques, rappelle celui de l’eau qui tombe de façon irrégulière d’un robinet ou d’une gouttière.

Puis il prend un marteau, frappe le livre, les mots vont-ils s’emplir de la force de ces coups ? Il passe de délicates lunettes rondes (j’ai toujours été fascinée par les lunettes rondes des grands écrivains japonais), commence la lecture-cris, la lecture-battements grâce aux talentueux musiciens du groupe Kukangendai qui l’accompagnent. Mais peut-on parler d’accompagnement, je pense que cela va bien au-delà, c’est une fusion mots-musique, à tel point qu’on ne sait plus qui parle, qui chante, qui frappe sur la batterie ou gratte les cordes des guitares électriques.

C’est une explosion de vie, de la vie dans toutes ses facettes : le temps qui passe avec le tic-tac de la batterie comme celui d’une horloge, le cœur qui bat mais de façon irrégulière, en syncope, la vie qui n’est pas (les enfants qui ne sont pas nés) ou qui n’est plus (Gôzô brûle de l’encens, tape dans ses mains, une prière comme on en voit partout lorsqu’on voyage dans le Japon des lieux sacrés). Mais ces vies ne sont pas perdues, les esprits sont là, ils traversent le poète lorsqu’il pose sur sa tête cette longue lame qui les fait venir à lui. Fermer les yeux, rester immobile … Puis se pencher sur cette « broderie de feu », y tracer ce que dictent les esprits, y mettre le feu par petites franges, comme pour les faire rester.

Le langage est parfois voix ( de Gôzô, de l’un des guitaristes), le langage est parfois morse (à la batterie, à la guitare). La communication ne se limite pas aux mots. Elle est ponctuation, elle est clous que l’on frappe, elle est dessins que l’on trace.

Puis un long crescendo nous annonce que la fin est proche. Les images sur l’écran nous racontent l’eau, la neige, la roche. Le voyage s’achève, reste l’odeur de l’encens … et mon cœur qui bat fort.

Après une pause de quelques minutes où chacun peut retrouver un peu ses esprits et admirer le travail créatif, l’univers poétique des objets du poète, le groupe Kukangendai offre aux spectateurs un concert qui est pour moi une véritable ode au rythme ! Un talent rare et une coordination parfaite des trois musiciens (que l’on avait déjà pu admirer dans la performance avec Gôzô tant ils semblent fusionner en un seul corps, un seul esprit dans une transe poétique).

Les trois instruments offrent des combinaisons originales, la synchronisation est hallucinante, les blancs ne sont pas vides, le spectateur les apprécie autant que les notes répétées dans des modules à la fois simples et savants. Le changement de rythme se fait par petites touches et les sensations se transforment en images : là un train qui ralentit, là des ondes qui se rapprochent comme lorsqu’une balle rebondit sur le sol, la des silences comme lorsque je jouais à un, deux, trois soleil et qu’il fallait ensuite rester immobile …

Et enfin un rythme entêtant et des musiciens hypnotisés qui m’évoquent les derviches tourneurs.

Une maîtrise fabuleuse, un groupe impressionnant !

J’ai eu la chance ensuite, grâce à la charmante Ryoko Sekiguchi, sa « fille spirituelle », sa disciple de poésie, de pouvoir saluer ce grand homme. Un moment intense sur lequel je n’arrive pas à mettre de mots. Juste un moment hors du temps !

Une soirée mémorable, à tout jamais gravée dans mon âme éprise de poésie.

 

 

(photographie de Gôzô Yoshimasu et de Ryoko Sekiguchi – prise par Ryoko Sekiguchi)

(Pour vous faire une idée de cette expérience, vous pouvez regarder cette vidéo …)

 

Anim’Est à Nancy : un très bon cru !

Ce week-end se tenait la 16ème édition d’Anim’Est, une très chouette convention étudiante sur la culture japonaise qui se tient tous les ans à Nancy.

Jeux vidéo, Cosplay, Karaoke, mais aussi culture japonaise (calligraphie, jeu de go, origami, cérémonie du thé etc.), sans oublier des boutiques variées, tout était là pour passer deux belles journées dans le Centre des congrès.

La foule était déjà nombreuse plus d’une heure avant l’ouverture matinale …

On peut regretter que les préventes ne permettent pas de fluidifier davantage l’entrée dans le centre. Les conférences qui démarrent à 10h ne peuvent pas faire le plein, et c’est regrettable.

Mais en dehors de ce petit point faible, malheureusement récurrent sur de nombreuses conventions, l’organisation était au top, avec un staff souriant et dynamique.

La foule colorée, avec un grand nombre de licornes cette année, s’est vite dispersée dans les différents espaces : culture et boutiques, jeux vidéo, amphithéâtres, et même un maid café ! Les free hugs à chaque rencontre rendaient l’ambiance très chaleureuse.

Je vous raconte ici quelques bons moments, même si je n’ai pas pu tout « tester » (il faut dire que je suis nulle sur un tapis de danse, et que les jeux vidéo ne sont pas mon truc) :

La choré du staff : tous les ans, le staff travaille sur une série de danses et donne le meilleur sur la scène du grand amphithéâtre. Un travail qui s’ajoute à tout ce qu’ils doivent faire par ailleurs. Cette année a été un très bon cru, de l’humour, des thèmes et des musiques originales (Chi, Pokemon, Card Captor Sakura etc.), le tout entrecoupé de pubs japonaises. Un très bon moment ! Vous pouvez la visionner sur la page facebook de l’Anim’Est.

Le Karaoke géant : toujours un franc succès, comme tous les ans. Mais curieusement, l’amphi chante beaucoup plus fort les « vieilles chansons en français » (Les cités d’Or, Denver le dernier dinosaure, Picsou et même L’île aux enfants !) que j’écoutais petite (oui, je suis « vieille »), que les chansons en japonais … Il faut dire que c’est plus difficile et que ça va parfois vite.

Cosplay : je n’ai pu assister qu’à la présentation des groupes le dimanche. Et c’était très varié et souvent drôle (des présentations bien travaillées, bien montées). Mon gros coup de cœur pour les deux demi-sœurs de Cendrillon, Javotte et Anastasie, barbues et très méchantes, toujours à se mettre en avant, même lors de la photo finale de l’ensemble des groupes ! Vraiment drôles !

Mais c’est également dans les couloirs de la convention qu’il était possible de croiser de très beaux spécimens. Ainsi cette « brochette » de Koro Sensei d’Assassination Classroom (mon fils est fan !). Sans compter les Link, super héros, licornes, princesses, Pikachu, Stitch, Luffy et autres charmants (ou moins charmants) compagnons !

Et même si je ne joue pas, la séquence jeux vidéo animée par Fred of the Dead en amphi était très prenante. Imaginez, jouer à Street fighter en ne voyant pas l’écran, ou à  Super Mario Bros 3 en tenant la manette à l’envers et avec un temps limité pour réussir le parcours (ce qu’un seul candidat brillant a réussi le samedi) !

Côté boutiques, il y avait de quoi vider son porte-monnaie : du kawaï, des bijoux, de la papeterie, des peluches vraiment douces (chats, lapins, pokemon et autres adorables bestioles), mais également beaucoup de mangas et de figurines de toute beauté.

Le bubble tea a également connu beaucoup de succès pendant les deux jours (une queue qui ne s’interrompait jamais !).

JORANNE !

Et ces deux jours ont été l’occasion de voir « en vrai » Joranne. Oui LA Joranne du blog Joranne Bagoule, son coup de crayon reconnaissable entre mille, ses notes sur les objets japonais dans lesquelles on apprend plein de choses, ses questions à un kami, mêlant informations et humour.

Elle avait installé une exposition reprenant en version « courte » certains des objets qui sont expliqués sur son blog.

Elle dédicaçait également ses petits carnets et avait une très belle collection de badges kawaï, ainsi que des créations originales mêlant dessin, aquarelle et papier japonais.

Elle a même fait une conférence sur le thème « Voyager seul au Japon », donnant de nombreuses informations pratiques à ceux qui veulent partir.

Si vous ne connaissez pas Joranne (quoi, c’est possible ?), je vous invite à aller sur son blog pour découvrir son univers et plein d’infos sur le Japon et sa culture. Vous pouvez également commander son livret Petites choses du Japon sur sa boutique en ligne. Elle peut même vous faire une petite dédicace dessus si vous lui demandez !

Une très belle édition, une ambiance géniale et une programmation variée pour satisfaire tous les goûts !

 

 

Mon salon du livre …

Bonjour à tous et encore merci de me lire, ça me fait vraiment plaisir de pouvoir partager mes coups de coeur avec vous.

Aujourd’hui j’avais envie de vous raconter un peu les belles rencontres que j’ai faites au salon du livre de Paris. J’y suis allée l’après-midi du vendredi et l’après-midi du samedi. Rencontrer les responsables presse des maisons d’édition avec lesquelles je travaille toute l’année pour Journal du Japon fut un véritable plaisir et l’occasion de mettre des visages sur des noms, car les échanges de mails, même fort sympathiques, ne remplacent pas les vraies rencontres.

J’ai eu la chance de voir les adorables jeunes femmes de I know Japan. Leur maison d’édition japonaise a publié un très beau livre sur le thé japonais. Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à aller sur leur site ou à lire mon article dans Journal du Japon.

Elles m’ont présenté leur prochain livre Budô qui s’annonce tout aussi beau, soigné et mettant superbement en valeur les objets, les hommes et les décors ! Il doit paraître a priori en juin et je ne manquerai pas de vous tenir informés et de vous donner mon avis sur le livre. Les jeux de matières, de couleurs, de lumières sont très impressionnants et les livres publiés sont comme les pièces d’une maison japonaise que l’on découvre en faisant glisser les parois coulissantes.

J’ai aussi pu échanger avec Nelly des éditions Actes Sud.

C’est une maison d’édition que j’adore depuis longtemps, j’aime la qualité de leur papier, le format original de leurs livres.

J’avais découvert cette maison il y a déjà de nombreuses années avec Alberto Manguel. Si vous ne le connaissez pas, foncez, il vous racontera le plaisir de la lecture, le bonheur de la bibliothèque comme personne !

Pour ce qui concerne le Japon, vous trouverez chez eux de nombreux livres de Yôko Ogawa. Nouvelles ou romans, le choix est vraiment immense. Si vous ne savez pas lequel choisir, mes avis sur certains d’entre eux (je n’ai pas tout lu) sont ici.

Mais il y a d’autres auteurs japonais chez cet éditeur : Keigo Higashino côté polars (ils sont tous excellents !), Kiyoko Murata que j’ai découverte récemment et dont je vous parlerai bientôt dans Journal du Japon. Et bientôt un nouveau roman de Keiichirô Hirano (publié auparavant chez Picquier). Sans oublier Aki Shimazaki qui écrit en français mais nous livre son Japon intime.

D’autres auteurs moins connus y trouvent également leur place pour notre plus grand bonheur, et c’est un plaisir de voir de nouveaux titres paraître !

Et puis pas loin, j’ai rencontré Stéphanie Hochet. J’avais lu et adoré son Roman Anglais et, luttant contre ma timidité (elle s’estompe avec le temps, c’est une bonne chose), j’ai entamé la conversation. Stéphanie est très gentille, on a l’impression de croiser une amie qu’on n’a pas vue depuis longtemps. Elle sourit, elle parle de ses livres sans emphase, avec juste ce qu’il faut pour nous accrocher et nous emmener avec elle. Nous évoquons Je suis un chat de Sôseki. Les animaux ne sont jamais loin de Stéphanie, on peut sentir leur présence ! Je repars avec deux livres à défaut de pouvoir repartir avec elle ! Et je ne peux que vous conseiller L’animal et son biographe. Un livre qui démarre avec des « lectures en tong » dans un camping : un auteur à la campagne … qui va vite se trouver captif de celle-ci, des habitants d’un petit village, d’un maire étrange, d’un animal fantastique. Un suspens rare et une lecture qui laisse une grosse empreinte d’aurochs !

J’aime également beaucoup les livres pour enfants (même si les miens sont grands maintenant, je passe toujours au rayon jeunesse des librairies).

Et au salon j’ai pu voir Marie-Christine des éditions Balivernes, qui publient les livres doux et pastels de Satoe Tone.

Un petit stand charmant du côté de la Région Rhône-Alpes Auvergne. Des livres au format idéal pour tenir dans les mains des enfants, et des histoires d’amitié, de partage … le bonheur quoi ! Si vous cherchez un livre à offrir à un jeune enfant, n’hésitez pas à choisir un livre de cette brillante jeune femme !

En continuant dans les régions, dans les « Hauts de France » j’ai pu rencontrer Eric des éditions Light Motiv. Vous savez, les livres photographiques d’une qualité sublime … et l’oeuvre bouleversante de Naoya Hatakeyama qui photographie son « pays natal » après le tsunami.

Kesengawa et Rikuzentakata sont deux livres  indispensables afin de voir, sentir le choc personnel du photographe, mais aussi le traumatisme géographique. Ce fut une grande découverte pour moi et ces photos ne me sont jamais sorties de la tête.

J’en ai profité pour acheter leur dernier livre sur Haïti, un pays dont j’aime la littérature, la sculpture de la langue. Là encore un regard différent, une rencontre avec un pays et surtout avec ses habitants.

Eric est un passionné et c’est contagieux !

J’ai également pu discuter longuement autour d’un thé au stand des éditions Synchronique.

Ils publient de beaux livres en petit et grand format sur l’Orient et la spiritualité.

Côté Japon, j’ai craqué pour un livre sur les jardins japonais (je n’en ai jamais assez, je les ouvre quand le Japon me manque trop) et pour un petit ouvrage passionnant sur la grande vague de Hokusai.

Ils ont également publié les Haïkus et notes de voyage de Bashô et Le livre du thé de Kakuzô Okakura, deux livres indispensables dans un petit format idéal pour toujours les avoir avec soi, et superbement illustrés : deux pépites !

Delphine et Alexandre des éditions Issekinicho avaient un très beau stand … mais j’ai déjà tous leurs livres, j’en ai même offert beaucoup autour de moi.

En panne d’idées cadeaux, le succès sera garanti que ce soit pour une tante qui aime les fleurs (O Hanami), un neveu qui se renseigne sur l’exploration urbaine (Nippon no Haikyo), une cousine amoureuse des chats (Neko Land), ou une amie fan de coloriages et de haïkus (Les saisons du Japon).

Et les deux derniers parus sont tout simplement magnifiques : Saru sur les singes du Japon (qui n’auront plus de secret pour vous après la lecture des textes de primatologues illustrés des photos d’Alexandre), et pour les amoureux des Yokai, Onibi, le Japon des campagnes, des mamies et des esprits malicieux.

Enfin j’ai pu rencontrer JP Nishi !

D’abord lors d’une conférence (à laquelle participait également Alexandre d’Issekinicho) très intéressante sur le choc des cultures France-Japon.

Puis pour une interview à paraître très bientôt dans Journal du Japon à l’occasion de la sortie de l’excellent manga À nos amours. C’était un moment très fort et Karyn Nishimura-Poupée, son épouse, a été une traductrice précieuse et très gentille !

Donc c’était un beau salon, de belles rencontres … et j’ai hâte d’y retourner l’an prochain !

Le Japon des créateurs : Andrea et Laetitia de La Cocotte !

On continue avec les artistes et créateurs que j’aime et qui parlent de leur Japon.

cocotteAndrea et Laetitia sont les créatrices de La Cocotte Paris, une marque française d’objets de décoration au design original : de la poule aux poussins en passant par des motifs plus géométriques, elles enchantent le quotidien avec des nappes, des plateaux, mais aussi des tasses, des sacs, des carnets ! De quoi mettre de la bonne humeur dans toute la maison …andrealaetitia

Si vous lisez les livres de Ryoko Sekiguchi, vous avez probablement aperçu les illustrations de La Cocotte pour son livre Le Club des Gourmets et autres cuisines japonaises. Des objets et ingrédients étaient dessinés de façon minimaliste. C’est d’ailleurs parce que Ryoko était en résidence à La Cocotte que j’ai découvert cet univers qui m’a tout de suite plu.

torchonsIl y a donc d’adorables poules, coqs, dindes, grues, autruches ou poussins, mais il y a aussi Paris, ses maisons haussmaniennes, sa Tour Eiffel, Belleville, et cette année le bleu de la Seine. Il y a également des motifs fleurs de lys décalées, tartan, chevron ou chic chick.

nappe-paris-kyotoEt il y a le Japon, une belle rencontre pour Laetitia et Andrea … dont le dernier voyage à Kyoto a été une source d’inspiration très forte : la nouvelle collection Paris-Kyoto est née, tout en lumière rosée, en aiguilles de pin, en Mont Fuji qui croiserait la Tour Eiffel.

A l’occasion de la sortie de cette nouvelle collection, j’ai posé quelques questions à Andrea et Laetitia sur leur relation à ce pays inspirant.

Votre relation avec le Japon semble très forte depuis plusieurs années (vous vous y rendez régulièrement et créez des collections spéciales). Pouvez-vous nous raconter votre première rencontre avec le Japon ?

aoyama01Andrea et Laetitia : Nous sommes parties en 2008 pour la première fois, à l’occasion d’une exposition à la Galerie Doux Dimanche, notre premier client japonais qui, depuis, est aussi notre agent et notre amie. A l’époque nous avions très peu de produits, seuls les japonais y prêtaient attention, pour notre plus grande joie. Laetitia : Voyager est quasiment ma raison de vivre, et l’Asie tout particulièrement depuis mon premier voyage au Vietnam en 1995. Mais nous ne connaissions ni l’une ni l’autre le Japon, seulement à travers la littérature, le cinéma et, bien sûr, la cuisine. Ce fut un voyage merveilleux pour les sens, mais découvrir ce pays par le biais du travail fut également une réelle chance. La culture japonaise est difficile à pénétrer et les rencontres professionnelles sont un excellent moyen de la découvrir. Nous avons passé le séjour à nous sentir des « éléphants », toujours en décalage avec la délicatesse et les milliers de petites choses à savoir que nous faisions toutes de travers.

Qu’est-ce qui vous touche particulièrement, vous inspire dans ce pays ?

Ce mélange de délicatesse, de raffinement, et en même temps de « doux bordel » qui règne parfois : des architectures high tech qui côtoient de vilains immeubles des années 60, une maison en bois au beau milieu d’un quartier d’affaires, une gargote à côté d’une boutique de luxe, des fils électriques partout. Le raffinement est dans le détail, toujours soigné, mais les imperfections font partie de l’esthétique, et rien n’est jamais ostentatoire.

Vous avez accueilli Ryoko Sekiguchi en résidence à La Cocotte, elle y a fait des lectures gourmandes, vous avez même illustré un de ses livres. Avez-vous des souvenirs marquants de cuisine japonaise ?

Oui, la crevette vivante ! Elle était crue, coupée en deux, et au moment de croquer dedans, elle s’est rétractée ! Hélas nous n’avons pas eu le courage de poursuivre et avons demandé à la cuire. Sinon nous trouvons toujours le moyen de goûter à des ingrédients, des condiments et des saveurs inconnus. Et à chaque voyage on en découvre encore ! Notre dernière trouvaille ? Un restaurant qui sert des spécialités de Kyoto au dernier étage du centre commercial Omotesando Hills.

Votre nouvelle collection s’appelle Paris-Kyoto, inspirée par vos promenades dans le Kansai. Quels ont été les lieux, objets, rencontres qui l’ont alimentée ?

mini-cabas-enduit-paris-kyotoTout d’abord une visite au musée Nezu : nous sommes tombées toutes les deux en arrêt devant un kimono ancien sur lequel étaient brodées des branches de pin japonais. Puis nous sommes allées dans le Kansai, pas loin de Kyoto, rendre visite à un spécialiste de la teinture d’indigo à la manière traditionnelle. Nous avons passé deux jours avec lui dans sa famille. Cela reste un magnifique souvenir, le temps s’est un peu arrêté. Leur maison était dans la campagne au bord d’une magnifique forêt, nous sommes allés en famille au Onsen, puis avons dégusté un « nabe », sorte de fondue japonaise, arrosée de saké. On se sentait un peu dans Le voyage de Chihiro.
Au retour nous avons continué notre exploration des représentations du pin dans l’art japonais, que ce soit sur des estampes, des tissus, des céramiques et avons été encore plus émerveillées par leur richesse et leur finesse.

Pour les personnes qui se rendraient prochainement au Japon, avez-vous des coups de coeur, de belles adresses à partager ?

Il faut absolument aller dans un Onsen (bain), et si possible essayer un plutôt chic, avec Rotenburo (bain extérieur), mais aussi un bain municipal.

Quels sont vos futurs projets japonais ?

On espère pouvoir y fêter nos dix ans, en 2017 !

 

Merci à Andrea et Laetitia d’avoir répondu avec passion à mes questions !

Plus d’informations sur leur site internet.

 

Yokainoshima : les créatures de Charles Fréger

yokainoshimaSi vous avez eu la chance d’aller aux Rencontres d’Arles pendant vos vacances, peut-être aurez-vous pu admirer la belle exposition Yokainoshima du photographe Charles Fréger. Si ce n’est pas le cas, les éditions Actes Sud ont sorti un magnifique ouvrage pour l’occasion. D’un format agréable et avec des impressions d’une grande qualité, ce livre ravira les amateurs de photographies, de yokai, de toutes les fêtes et légendes qui rendent le Japon si magique.

Le livre s’ouvre sur un texte de Ryoko Sekiguchi. Un texte sensible, personnel, émouvant … L’île des Yokai n’est-elle pas le Japon dans son ensemble, un pays où les êtres humains vivent et échangent avec d’autres êtres. Pour elle, les photographies de Charles Fréger documentent les fruits de ces échanges. Et Ryoko d’évoquer sa peur, enfant, des yokai si effrayants de Shigeru Mizuki. Le présent ouvrage se marie d’ailleurs très bien avec le Dictionnaire des Yokai dicoyokaide Shigeru Mizuki, que je vous conseille vivement : Yokai du mangaka et yokai du photographe se rejoindront avec plaisir la nuit dans votre bibliothèque ! Ryoko évoque, invoque aussi ces êtres qui errent depuis le tsunami, ces morts dont les corps n’ont pas été retrouvés et qui trouveront un nouveau toit dans les pages de ce livre.

Le livre donne ensuite toute la place aux photographies des yokai : du nord à l’extrême sud du Japon, le photographe a cherché ces êtres dans toutes les préfectures. Il les a mis en scène dans des décors naturels (campagne, bord de mer, montagne) ou devant des murs plus ou moins rustiques. Il les a fait prendre des poses menaçantes, effrayantes ou plus sages. Les costumes sont faits de tissus, de laine, de papier, et souvent de paille, les masques sont grimaçants, avec de grands nez ou des rouges effrayants. Ce bestiaire est très coloré, très vivant, une force régénératrice s’en dégage.

Car comme l’explique Toshiharu Ito, professeur d’histoire de l’art à l’université de Tokyo, dans le texte très complet qui succède aux photographies, « l’archipel japonais grouille de fêtes riches en masques et costumes », liées aux rites agricoles et à la culture du riz mais toujours bien présentes. Ces fêtes saisonnières sont l’occasion d’accueillir les dieux ou les esprits en visite. Un homme surnaturel vient ainsi visiter un village, annoncer l’arrivée du printemps, vêtu de son manteau de pluie en paille.

Et pour que vous sachiez où les trouver lors de votre futur voyage au Japon, chaque yokai photographié fait l’objet en fin d’ouvrage d’une description détaillée : nom, région de « résidence », fête pendant laquelle le « rencontrer », faits et gestes.

Plongez dans cet univers fabuleux, ouvrez grand vos yeux et laissez venir à vous ces yokai !

Le nucléaire en Asie – Fukushima, et après ?

nucleaireDans l’indispensable collection L’Asie immédiate des éditions Picquier, Mathieu Gaulène nous dresse un portrait nucléaire de l’Asie : nucléaire civil et arme nucléaire du Japon à Taïwan en passant par l’Inde ou la Mongolie. C’est très dense, très documenté, ça fait souvent froid dans le dos, mais c’est indispensable pour comprendre ce qui se joue là-bas !

Le livre se découpe donc en deux parties : civil et militaire. Il commence avec le Japon dont l’auteur retrace le parcours nucléaire entre bombe atomique et atome pour la paix, entre méfiance des habitants et propagande du « village nucléaire » (expression chère à l’auteur qui montre bien les connivences qui peuvent exister dans ce milieu très restreint où tout le monde se connaît, se couvre, se congratule, s’offre des postes). La catastrophe de Fukushima nous est racontée dans le détail. Non, elle n’était pas imprévisible, les risques sismiques, la faible hauteur de la digue, les générateurs de secours en sous-sol inondable, l’autorité de contrôle aveugle, l’impunité garantie. Après la catastrophe, les dossiers médicaux des liquidateurs égarés, l’empilement des sous-traitants, la machine à intimider, les comprimés d’iode qu’on ne distribue pas pour ne pas affoler les populations ! C’est glaçant mais ça a le mérite d’être dit. Face à cela, il y a le manque d’union des antinucléaires malgré l’importance des manifestations.

Puis nous voyageons dans d’autres pays : la Corée du Sud avec ses accidents et dissimulations où le mouvement antinucléaire fait entendre sa voix, la Chine qui rêve de devenir un géant du nucléaire civil et d’exporter sa technologie, le Vietnam (dont 44% de l’électricité vient de l’hydraulique, 36 du gaz et 18 du charbon et qui se pose la question du nucléaire), l’Inde entre ambition et résistances, le Pakistan qui fait face à de nombreuses coupures d’électricité, la Mongolie dont AREVA exploite les mines sans trop se soucier de l’environnement et des populations de nomades dont le bétail tombe malade, Taïwan qui veut sortir du nucléaire, la Thaïlande dont la population refuse le nucléaire, les Philippines qui y renoncent car le nucléaire est associé à l’ancienne dictature et le risque sismique est énorme, la Malaisie et l’Indonésie qui disent non, tout comme Singapour, le Bangladesh qui en rêve mais dont les scientifiques expliquent les dangers, le Myanmar où la vigilance est de mise entre civil et militaire.

Concernant les armes nucléaires, si certains estimes qu’elle est un « facteur de paix », d’autres pensent qu’elle pourrait bien détruire l’humanité. Le traité de non prolifération et l’AIEA essaient de « tenir » tout cela … Il y a l’Inde et le Pakistan (avec le Docteur Khan « trafiquant » du nucléaire), la Corée du Nord, la Chine et ses 260 têtes nucléaires (à côté des 7500 russes et des 7260 américaines).

Le livre consacre également de nombreuses pages aux mouvements antinucléaires qui ont toujours existé dans ces pays, mais qui ont trouvé un second souffle après la catastrophe de Fukushima. S’ils arrivent souvent à ralentir ou annuler des projets, ils sont parfois réprimés dans une extrême violence, comme en Inde où un projet d’EPR a fait un mort parmi les manifestants et où le « Ghandi » antinucléaire a été placé sur la liste des « personnes antinationales ».

Entre pessimisme et espoir, l’auteur propose au lecteur de se faire sa propre opinion mais met en avant la puissance de la « machine à faire accepter » le nucléaire, et les intérêts de la France dans cette industrie. L’auteur rêve finalement que cette zone devienne, plutôt qu’un eldorado du nucléaire, un eldorado des énergies renouvelables …

Être jeune en Asie : la jeunesse japonaise sous la plume de Karyn Poupée

jeune

Je vous ai déjà parlé de cette indispensable collection aux éditions Picquier : l’Asie immédiate. Elle permet, par des formats de poche, de comprendre à partir d’une analyse pointue par des personnes extrêmement compétentes ce qui se passe dans cette Asie en mouvement.

Ce nouveau volume « Être jeune en Asie » nous apporte donc une vision très complète de la jeunesse de trois pays : Chine, Inde et Japon. Les jeunesses de ces trois pays sont très différentes, mais auront une influence majeure dans le monde de demain (respectivement 600 millions de moins de 30 ans en Chine, 650 en Inde et 52 au Japon, soit plus de 18% de l’humanité).

Je vous parlerai uniquement de la partie Japon, mais les deux autres parties sont également passionnantes et écrites par des personnes qui connaissent sur le bout des doigts les pays dont ils parlent, et où ils vivent …

C’est le cas de Karyn Poupée qui vit au Japon depuis 2002 où elle est correspondante permanente pour l’AFP. Elle écrit comme personne sur ce Japon qu’elle observe avec le regard d’une maman sur son enfant : amour et perspicacité, gentillesse et justesse des critiques. Son écriture très fluide et les nombreux exemples qui illustrent ses propos rendent la lecture de ce texte très agréable tout en étant très instructive.

Pourtant le tableau n’est pas des plus réjouissants : La jeunesse japonaise est née et a vécu avec la crise. Les jeunes japonais sont généralement déprimés, angoissés. Peu nombreux, ces enfants sont gâtés, choyés par leurs parents et ont souvent la tentation de rester bien au chaud dans le nid familial. Ce besoin de sécurité les amène à chercher dans leur travail et leur vie personnelle ce « petit bonheur normal » (toshindai no shiawase).
Ils deviennent majeurs sans devenir adultes. Même le mariage et les enfants sont source d’angoisse voire de rejet. Ils passent leur temps sur les réseaux sociaux, mais sont très introvertis dans la vraie vie.
L’entreprise n’est plus cette entité que l’on aime et à laquelle on donne une bonne partie de sa vie.
S’ils aiment leur pays, ils ne se sentent pas toujours impliqués contrairement aux générations précédentes.

Mais dans ce portrait plutôt gris, l’optimisme est permis. Le drame du 11 mars 2011 a mis en avant la force des valeurs humaines de ce pays.

Et les récentes manifestations sont là pour nous montrer que ce pays est riche de son humanisme, de sa solidarité.

Une conférence à Nancy le 26 mai 2015 : pour tout savoir sur le théâtre Nô !

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Si vous habitez dans la région de Nancy, la ville organise une conférence pour tout savoir sur le théâtre Nô, si emblématique du Japon mais méconnu ou source d’appréhension pour les occidentaux.

Voici les détails (date, heure, lieu, réservation) :

Conférence Mieux connaître le théâtre nô

Mardi 26 mai 2015 à 18h30

Amphithéâtre 200, Mines de Nancy / Campus ARTEM

Arrêt de tram « Blandan »

92 rue du sergent Blandan, à Nancy

Entrée libre sur réservation (eruban@mairie-nancy.fr ou 03 83 85 33 05)

Le théâtre nô a été inscrit en 2008 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. Dans le nô, chant, musique et danse accompagnent le développement de l’intrigue.

Cette conférence abordera le nô sous ses multiples aspects. Kiyoshi Kawara nous parlera à la fois de la symbolique du nô, des thèmes du répertoire et de la structure des pièces. L’histoire du théâtre nô et sa pensée seront également traitées.

Kiyoshi Kawara :

  • Docteur ès sciences sociales

  • Maître de kotsuzumi (petit tambour d’épaule) de l’école Ko-ryû à Kanazawa

  • Professeur invité de l’Université de Kanazawa

 

De Hiroshima à Fukushima (Le combat du Dr Hida face aux ravages dissimulés du nucléaire) de Marc Petitjean : parcours d’un homme remarquable

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Ce livre nous présente un homme qui, à l’approche de ses cent ans, continue son combat contre les ravages du nucléaire, contre l’administration qui ne veut pas savoir, et surtout pour les personnes subissant cette menace invisible.
Le Docteur Hida, enfant, a été frappé par le parcours du Docteur Schweitzer et s’est juré de mener des combats en faveur des malades, pour des soins accessibles à tous. Son père ne voulait pas qu’il soit médecin, il a donc commencé des études d’architecture, puis une école de médecine civile, puis militaire pendant la guerre.

C’est alors qu’il était parti soigner une malade à 7 kilomètres d’Hiroshima qu’explose la bombe atomique. En partie « protégé » par la montagne, il sera malgré tout atteint : la lumière, puis la fumée et enfin le souffle qui arrache le toit de la maison de sa patiente, il sera sauvé grâce aux solides poutres. Commencera alors pour lui le combat de toute une vie : soigner les hibakusha, mais surtout faire connaître les effets de l’irradiation. Car si les morts immédiates n’ont pas fait débat, il a fallu qu’il se batte du siège de l’armée américaine occupante au Japon à l’ONU pour comprendre les maladies causées par l’irradiation interne (celle qu’on ne voit pas mais qui déclenche cancers, leucémies, et « bura bura », cette fatigue chronique vécue pendant de nombreuses années par les irradiés), puis pour faire connaître ces effets à la planète entière, qui souvent ne veut pas voir, pas savoir.

C’est une vie consacrée aux autres qui nous est racontée : inscrit au parti communiste dès 1948, il participera à la création de coopératives médicales pour offrir des soins aux plus démunis (après avoir été licencié de l’hôpital où il exerçait, lorsqu’il a voulu interroger les médecins américains sur l’irradiation interne et les maladies inconnues qui rongeaient les hibakusha). Il luttera avec tous les moyens possibles : conférences dans le pays, à l’ONU, réunions à Hiroshima, puis plus récemment auprès des réfugiés de Fukushima. Témoigner, expliquer, soigner, avec comme mantra pour les victimes et pour lui-même « Vivre longtemps et en bonne santé est une victoire contre la bombe atomique ».

Un homme rare, à l’écoute des victimes depuis soixante-dix ans, qui ne dit pas aux réfugiés de Fukushima de partir, mais cherche avant tout à leur redonner confiance en valorisant le caractère unique de chaque individu, de chaque parcours, de chaque vie.

« Quand on parle des droits de l’homme à l’école ou dans des réunions publiques, cela apparaît souvent superflu. Le public considère que les droits de l’homme concernent les autres. Pour que les Japonais comprennent l’importance des droits de l’homme, le meilleur moyen est de parler d’abord de santé. Chacun doit avoir suffisamment de forces pour se battre, pour ne pas mourir. J’ai vécu aux côtés des hibakusha, et j’ai fini par l’apprendre. Le premier des droits de l’homme est de vivre. »

Un homme toujours battant, mais qui ne voit pas l’avenir en rose :

« Je crains que la position de l’armée américaine en Asie ne se reonforce et que le Japon ne se trouve de plus en plus impliqué avec les Etats-Unis, dans l’éventualité d’une nouvelle guerre, qu’il replonge dans le fascisme : cela m’inquiète beaucoup. On parle de modifier la Constitution pour que le Japon se dote à nouveau d’une armée ; et, pour justifier ce changement, les politiques désignent comme ennemis potentiels des pays voisins, la Corée du Nord ou pourquoi pas la Chine. Ainsi, ils préparent le peuple à l’idée d’une guerre. De ce fait, ils n’apprécient pas que les hibakusha parlent du passé et que des organismes pacifistes organisent des manifestations. Ils font tout pour faire oublier le passé. »

Un livre passionnant, à lire en complément des Notes de Hiroshima de Kenzaburô Ôe.